Mourad Zerai a signé un article dans le dernier numéro d'Attariq Aljadid (22-28 janvier) intitulé Ce qu'il faut faire maintenant.
"La première chose qu’il faut faire, c’est prendre soin de votre cerveau. La deuxième est de vous extraire de tout système d’endoctrinement. Il vient alors un moment ou ça devient un réflexe de lire la première page de votre journal en y recensant les mensonges et les distorsions, un réflexe de replacer tout cela dans un cadre rationnel. Pour y arriver, vous devez encore reconnaitre que l’Etat, les corporations, les medias et ainsi de suite, vous considèrent comme un ennemi; vous devez donc apprendre à vous défendre. Si nous avions un vrai système d’éducation, on y donnerait des cours d’autodéfense intellectuelle." Noam Chomsky.
Il s’agit donc de l’autodéfense intellectuelle. C’est la seule arme citoyenne, qui pourrait protéger la Révolution Tunisienne des dérives, de l’étouffement, de la déformation et de la récupération. Ce qu’il faut faire maintenant institutionnellement, politiquement, organisationnellement est en train de se faire. Il y a des spécialistes et des techniciens compétents qui s’y attèlent. Avec beaucoup de compromis je le consens, mais pouvons nous faire autrement ? On doit leur donner du temps. On doit les garder à l’œil aussi. Vigilance est le mot d’ordre.
La question qui se pose donc est de savoir comment et dans quelle mesure, nous citoyens, pouvons-nous exercer notre contrôle sur la vie politique ? Par des sanctions électorales : trop peu. Par des référendum à l’emporte-pièce : trop couteux et trop lent. En faisant confiance à nos élites politiques : trop risqué. Y’a-t-il alors une piste possible ? Oui. L’une des pistes est l’exercice quotidien de l’autodéfense intellectuelle ! Il faut que nous puissions décortiquer les déclarations, les chiffres, les propositions, et toute information issue du pouvoir. Il faut développer et entretenir un reflexe de pensée critique et d’action correctrice qui décèle les structures d'autorité et de domination, qui les appelle à se justifier, et dès qu'elles s'en montrent incapables, à travailler à les dépasser.
Comment arriver à réaliser cet exercice quotidien du contrôle et de questionnement du pouvoir ? Tout d’abord par l’éducation. « Si nous avions un vrai système d’éducation, on y donnerait des cours d’autodéfense intellectuelle » dit Chomsky. On doit avoir un vrai système d’éducation. Il faut (re)placer l’éducation, surtout l’éducation de qualité, comme priorité nationale absolue. Bien avant la résorption du chômage. Toutes les solutions en découleront. Et dans ce système d’éducation, on doit prévoir des cours « d’autodéfense intellectuelle ». Le système d’éducation qu’on aimerait avoir, ne doit pas perpétuer le formatage des esprits entrepris depuis au moins 23 ans. L’éducation doit être aussi capable de fournir aux citoyens les outils indispensables de la pensée critique. Pour protéger notre Révolution on doit être capable de critiquer les chiffres, les relativiser les comparer et les placer dans leur contexte. On doit être capable de détecter les argumentations fallacieuses et les sophismes. On doit faire attention aux tentatives des politiciens de vider les mots de leurs sens, ou de leur attribuer d’autres sens à leur guise. Il faut aussi se méfier des intellectuels : la Révolution Tunisienne est une révolution populaire, et on sait depuis George Orwell que « Les intellectuels sont portés au totalitarisme bien plus que les gens ordinaires». Toutes les déclarations sensées qui ont été prononcées ces dernières quatre semaines furent formulées par de simples citoyens qui n’ont aucune prétention « intellectualiste ».
Notre peuple a surpris le monde entier. Il est mature et plus pragmatique que son élite politique et intellectuelle. C’est pour cela qu’il doit protéger sa révolution de la prédation et des politiques et des intellectuels. Et à ce propos la lecture de Chomsky s’avère encore nécessaire : « Les intellectuels ont un problème: ils doivent justifier leur existence. En fait, on ne comprend pas grand-chose; il y a peu de choses concernant le monde qui sont comprises. La plupart des choses qui sont comprises, à part peut-être certains secteurs de la physique, peuvent être exprimées à l'aide de mots très simples et en des phrases très courtes. […] Les intellectuels se parlent entre eux, et le reste du monde est supposé les admirer, les traiter avec respect et ainsi de suite. Mais traduisez en langage simple ce qu'ils disent et vous trouverez bien souvent ou bien rien du tout, ou bien des truismes, ou bien des absurdités». Il faut aussi être vigilant par rapport à la propagande et se méfier des médias en général. Il faut que les médias assument leur mission citoyenne. Ce qu’on leur demande, c’est à la fois de contribuer à la circulation d’informations nécessaires à l’exercice de la citoyenneté et de permettre l’expression d’un large éventail de points de vue qui pourront alimenter et enrichir la libre discussion. Et c’est pourquoi on ne peut envisager la presse autrement que libre.
C’est à partir de ces deux socles - éducation de qualité et presse libre - qu’on pourrait protéger et perpétuer la Révolution Tunisienne. C’est sur ces deux socles qu’on pourrait nous rapprocher de l’idéal non seulement de démocratie, mais surtout de démocratie participative, dans la quelle le peuple aura toujours le contrôle de tous les jours et non seulement le dernier mot. Walter Lippman ne croyait pas en l’existence d’une vraie opinion publique consciente et agissante. Mais c’était dans le contexte de la première moitié du vingtième siècle, et il avait peut-être raison. Aujourd’hui il y a les technologies qui, de l’avis de tous, étaient le carburant essentiel de la Révolution Tunisienne. Donc une Opinion Publique alerte et agissante est aujourd’hui plus que possible: elle est réelle en Tunisie. Perpétuons là. ./.
"La première chose qu’il faut faire, c’est prendre soin de votre cerveau. La deuxième est de vous extraire de tout système d’endoctrinement. Il vient alors un moment ou ça devient un réflexe de lire la première page de votre journal en y recensant les mensonges et les distorsions, un réflexe de replacer tout cela dans un cadre rationnel. Pour y arriver, vous devez encore reconnaitre que l’Etat, les corporations, les medias et ainsi de suite, vous considèrent comme un ennemi; vous devez donc apprendre à vous défendre. Si nous avions un vrai système d’éducation, on y donnerait des cours d’autodéfense intellectuelle." Noam Chomsky.
Il s’agit donc de l’autodéfense intellectuelle. C’est la seule arme citoyenne, qui pourrait protéger la Révolution Tunisienne des dérives, de l’étouffement, de la déformation et de la récupération. Ce qu’il faut faire maintenant institutionnellement, politiquement, organisationnellement est en train de se faire. Il y a des spécialistes et des techniciens compétents qui s’y attèlent. Avec beaucoup de compromis je le consens, mais pouvons nous faire autrement ? On doit leur donner du temps. On doit les garder à l’œil aussi. Vigilance est le mot d’ordre.
La question qui se pose donc est de savoir comment et dans quelle mesure, nous citoyens, pouvons-nous exercer notre contrôle sur la vie politique ? Par des sanctions électorales : trop peu. Par des référendum à l’emporte-pièce : trop couteux et trop lent. En faisant confiance à nos élites politiques : trop risqué. Y’a-t-il alors une piste possible ? Oui. L’une des pistes est l’exercice quotidien de l’autodéfense intellectuelle ! Il faut que nous puissions décortiquer les déclarations, les chiffres, les propositions, et toute information issue du pouvoir. Il faut développer et entretenir un reflexe de pensée critique et d’action correctrice qui décèle les structures d'autorité et de domination, qui les appelle à se justifier, et dès qu'elles s'en montrent incapables, à travailler à les dépasser.
Comment arriver à réaliser cet exercice quotidien du contrôle et de questionnement du pouvoir ? Tout d’abord par l’éducation. « Si nous avions un vrai système d’éducation, on y donnerait des cours d’autodéfense intellectuelle » dit Chomsky. On doit avoir un vrai système d’éducation. Il faut (re)placer l’éducation, surtout l’éducation de qualité, comme priorité nationale absolue. Bien avant la résorption du chômage. Toutes les solutions en découleront. Et dans ce système d’éducation, on doit prévoir des cours « d’autodéfense intellectuelle ». Le système d’éducation qu’on aimerait avoir, ne doit pas perpétuer le formatage des esprits entrepris depuis au moins 23 ans. L’éducation doit être aussi capable de fournir aux citoyens les outils indispensables de la pensée critique. Pour protéger notre Révolution on doit être capable de critiquer les chiffres, les relativiser les comparer et les placer dans leur contexte. On doit être capable de détecter les argumentations fallacieuses et les sophismes. On doit faire attention aux tentatives des politiciens de vider les mots de leurs sens, ou de leur attribuer d’autres sens à leur guise. Il faut aussi se méfier des intellectuels : la Révolution Tunisienne est une révolution populaire, et on sait depuis George Orwell que « Les intellectuels sont portés au totalitarisme bien plus que les gens ordinaires». Toutes les déclarations sensées qui ont été prononcées ces dernières quatre semaines furent formulées par de simples citoyens qui n’ont aucune prétention « intellectualiste ».
Notre peuple a surpris le monde entier. Il est mature et plus pragmatique que son élite politique et intellectuelle. C’est pour cela qu’il doit protéger sa révolution de la prédation et des politiques et des intellectuels. Et à ce propos la lecture de Chomsky s’avère encore nécessaire : « Les intellectuels ont un problème: ils doivent justifier leur existence. En fait, on ne comprend pas grand-chose; il y a peu de choses concernant le monde qui sont comprises. La plupart des choses qui sont comprises, à part peut-être certains secteurs de la physique, peuvent être exprimées à l'aide de mots très simples et en des phrases très courtes. […] Les intellectuels se parlent entre eux, et le reste du monde est supposé les admirer, les traiter avec respect et ainsi de suite. Mais traduisez en langage simple ce qu'ils disent et vous trouverez bien souvent ou bien rien du tout, ou bien des truismes, ou bien des absurdités». Il faut aussi être vigilant par rapport à la propagande et se méfier des médias en général. Il faut que les médias assument leur mission citoyenne. Ce qu’on leur demande, c’est à la fois de contribuer à la circulation d’informations nécessaires à l’exercice de la citoyenneté et de permettre l’expression d’un large éventail de points de vue qui pourront alimenter et enrichir la libre discussion. Et c’est pourquoi on ne peut envisager la presse autrement que libre.
C’est à partir de ces deux socles - éducation de qualité et presse libre - qu’on pourrait protéger et perpétuer la Révolution Tunisienne. C’est sur ces deux socles qu’on pourrait nous rapprocher de l’idéal non seulement de démocratie, mais surtout de démocratie participative, dans la quelle le peuple aura toujours le contrôle de tous les jours et non seulement le dernier mot. Walter Lippman ne croyait pas en l’existence d’une vraie opinion publique consciente et agissante. Mais c’était dans le contexte de la première moitié du vingtième siècle, et il avait peut-être raison. Aujourd’hui il y a les technologies qui, de l’avis de tous, étaient le carburant essentiel de la Révolution Tunisienne. Donc une Opinion Publique alerte et agissante est aujourd’hui plus que possible: elle est réelle en Tunisie. Perpétuons là. ./.
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