Résumé de la situation à travers quelques articles parus dans libération.fr:
Liberation.fr - Monde 15/02/2011 à 07h44
Migrants de Lampedusa: apaisement des tensions entre l'Italie et la Tunisie.
A Lampedusa, le 14 février (REUTERS).
- L’Italie a proposé lundi une aide «opérationnelle» à la Tunisie pour lutter contre l’afflux massif de clandestins sur ses côtes, apaisant ainsi les tensions avec le gouvernement tunisien de transition confronté à sa première crise diplomatique un mois après la chute de Ben Ali.
Les frictions entre les deux pays avaient pris un tel tour que le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, s’est rendu à Tunis pour rencontrer le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, lors d’une visite éclair en marge d’un voyage prévu de longue date en Syrie et en Jordanie.
A l’issue de l’entretien, M. Frattini a indiqué lui avoir offert une «coopération pragmatique et opérationnelle dans le respect de la souveraineté de l’Etat tunisien» pour endiguer l’exode de clandestins, a indiqué l’agence TAP.
Le ton était monté ce week-end entre Rome et Tunis après l’arrivée en cinq jours de quelque 5.000 clandestins sur l’île italienne de Lampedusa (138 km des côtes tunisiennes), pour la plupart des Tunisiens partis chercher un emploi en Europe.
Le ministre italien de l’Intérieur, Roberto Maroni, avait indiqué dimanche son intention de demander l’envoi de ses policiers en Tunisie, une idée jugée «inacceptable» par Tunis qui avait rejeté «toute ingérence dans ses affaires intérieures» et toute «atteinte à sa souveraineté», tout en se disant «prêt à coopérer».
L’Italie a également décidé d’une aide d’urgence de cinq millions d’euros pour la Tunisie et annoncera une ligne de crédit de 100 millions lors de la conférence internationale sur les réformes dans ce pays prévue en mars à Carthage, a indiqué Frattini.
La tension entre les deux pays s’était imposé à l’ordre du jour de la chef de la diplomatie européenne, la Britannique Catherine Ashton, arrivée lundi à Tunis pour une visite destinée au départ à apporter le soutien de l’UE aux réformes politiques et à la relance économique cruciale pour la transition.
«La Commission à Bruxelles est en contact avec la Tunisie et l’Italie pour régler ce problème de clandestins», avait-elle indiqué lors d’une conférence de presse alors que l’Italie avait demandé «l’intervention urgente» de l’UE.
Contrôles renforcés
Lundi, les arrivées de migrants tunisiens à Lampedusa ont cessé, selon l’Organisation internationale sur les migrations (OIM).
Sur les côtes tunisiennes, à Gabes, Sfax ou Zarzis, villes du sud à fort taux de chômage d’où sont partis des centaines de jeunes, les forces de l’ordre ont renforcé leurs contrôles.
A Zarzis, l’armée patrouillait dans les rues à bord de blindés légers et était très présente au port de pêche dont elle bloquait l’accès aux non pêcheurs. «Nous faisons tout pour bloquer l’activité (des) passeurs», a déclaré à l’AFP un gradé de l’armée.
«Si c’était à refaire, je le referai sans hésitation. Il n’y a pas de place pour moi en Tunisie. La révolution tunisienne, ce n’est que du blabla, rien n’a changé et rien ne changera», a confié le rescapé d’un naufrage, Muhamed Handoula, 29 ans.
Les revendications des clandestins rappellent au gouvernement l’ampleur de la réponse sociale à apporter aux Tunisiens qui au départ de leur contestation ayant mené à la chute de l’ancien régime réclamaient du pain et la dignité d’avoir un emploi.
Mme Ashton a annoncé que l’UE allait «immédiatement débloquer 17 millions d’euros pour aider le gouvernement» et 258 millions d’euros d’ici à 2013.
Elle a également espéré que le «statut avancé» serait prêt à être ratifié par le gouvernement issu des élections prévues dans six mois. La Tunisie tient particulièrement à obtenir de l’UE ce statut qui ouvre la voie à un traitement douanier préférentiel.
Dans ce contexte d’attentes et d’incertitudes, les Tunisiens ont célébré lundi un mois de leur révolution. «Ben Ali est parti!» «Vive le peuple!», chantaient des Tunisois.
Le vendredi 14 janvier, après 23 ans de pouvoir sans partage, et après près d’un mois de contestation populaire marquée par plus de 200 morts, Ben Ali, 74 ans, fuyait son pays.
Liberation.fr - Monde 14/02/2011 à 00h00
Lampedusa submergée par l’exil des Tunisiens
Depuis dix jours, 5 000 migrants ont accosté sur l’île italienne prenant de court le gouvernement Berlusconi, qui a demandé l’aide de l’Union européenne.
Des milliers de Tunisiens fuient le pays et débarquent sur l'île italienne de Lampedusa. (REUTERS)
- Ils arrivent en moyenne à un rythme de mille par jour sur les côtes de la petite île de Lampedusa, au sud de la Sicile. Jeunes Tunisiens entre 18 et 30 ans, ils s’embarquent en masse sur des rafiots pour quitter leur pays et tenter de rejoindre l’Italie. Depuis une dizaine de jours, 5 000 personnes ont ainsi réussi à franchir le canal de Sicile et à accoster sur la petite île où le centre d’accueil des immigrés a été symboliquement abandonné il y a quelques mois par le gouvernement Berlusconi, dont un des thèmes de prédilection est la lutte contre l’immigration.«La situation est difficile, les débarquements se poursuivent de manière incessante», a indiqué Antonio Morana, commandant de la capitainerie du port. «C’est une situation sans précédent. A Lampedusa, on n’avait jamais vu autant d’arrivées en aussi peu de temps», ajoute Laura Boldrini, porte-parole du Haut-Commissariat pour les réfugiés en Italie. «L’exode enregistré ces jours-ci est de dimension biblique», a commenté le maire, Bernardino De Rubeis.
Débordées. En vertu d’accords avec Tunis mais aussi avec le colonel libyen Kadhafi, Rome était parvenu au cours des dernières années à obtenir de ses interlocuteurs un contrôle strict et militaire des côtes d’Afrique du Nord et à faire ainsi chuter radicalement le nombre d’immigrés arrivant en Sicile ou à Lampedusa : environ seulement 4 300 au cours de l’année dernière (contre 36 000 en 2008). A la grande satisfaction du cabinet Berlusconi et malgré les critiques des associations humanitaires qui s’indignent de cette politique de fermeture, de refoulement en mer et de déplacement de la question migratoire sur l’autre bord de la Méditerranée.
A la suite de la chute du régime de Zine el-Abidine Ben Ali, l’accord avec la Tunisie est de fait devenu caduc. La police locale ne contrôle plus les côtes et elle n’est plus en mesure de bloquer la plupart des candidats au départ. Ce qui fait craindre désormais à Rome une situation explosive similaire à celle qui avait suivi, en 1991, l’écroulement de l’Albanie communiste. A l’époque, des dizaines de milliers de personnes s’étaient précipitées, dans un chaos indescriptible, pour traverser l’Adriatique. «On assiste à la tentative de fuite d’une génération, considère Laura Boldrini. Les jeunes Tunisiens qui sont arrivés à Lampedusa présentent des motivations variées. Certains recherchent une amélioration de leurs conditions de vie, d’autres ont peur des désordres qui persistent dans le pays, d’autres encore, ayant été proches de l’ancien régime, craignent des répercussions pour leur vie.»
Samedi matin, le gouvernement italien s’est réuni pour proclamer «l’état d’urgence humanitaire» et donner ainsi davantage de pouvoirs aux préfets. Rome a également mis en place un pont maritime et aérien pour transférer et répartir les arrivants à Lampedusa dans d’autres centres d’accueil ou de rétention en Sicile, Calabre et dans les Pouilles. Mais ces structures sont déjà débordées. Le gouvernement italien s’emploie donc à agir dans deux autres directions : demander le soutien de l’Europe et renforcer les contrôles en Tunisie. Mettant en garde contre le risque d’une «crise humanitaire» et alors qu’un jeune Tunisien s’est noyé samedi et un autre était porté disparu, l’Italie a demandé «la convocation urgente d’une réunion au niveau politique du Conseil de justice et des affaires intérieures de l’UE» et«le déploiement immédiat d’une mission de patrouilles au large de la Tunisie».
Abandonné.«L’Union européenne doit intervenir à nos côtés pour bloquer les ports du Maghreb», a insisté le chef de la diplomatie, Franco Frattini. «Nous sommes prêts à intervenir», a fait savoir hier la Commission en réponse au ministre de l’Intérieur, Roberto Maroni, qui estimait avoir été abandonné par Bruxelles. Pris de court par l’afflux d’immigrés et alors qu’à la suite de la révolution tunisienne, il s’était focalisé sur le risque de l’arrivée éventuelle de jihadistes en Europe, celui-ci a proposé hier d’envoyer des contingents de policiers italiens en Tunisie. En attendant, il a accepté de rouvrir le centre d’accueil de Lampedusa pour offrir un toit aux 2 300 immigrés amassés dans les rues, le port ou le stade de football de l’île.
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