Une récente initiative visant à mettre en place un organisme de surveillance de la révolution soulève des questions quant aux détenteurs de la légitimité dans la nouvelle Tunisie.
Par Iheb Ettounsi pour Magharebia à Tunis – 22/02/11
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Un débat très vif a lieu en Tunisie concernant la création d'une instance spéciale destinée à surveiller le gouvernement actuel.
Un groupe de 28 partis et organisations de différentes tendances politiques a appelé le 15 février à la mise en place du Conseil national pour la protection de la révolution, "en conformité avec les principes de la révolution, de manière à contrer toute tentative de faire échouer la révolution et de plonger le pays dans un état de vide".
Cette instance envisagée veut "rendre hommage à ceux qui ont perdu la vie" et "maintenir les aspirations" du peuple tunisien. Parmi les principaux piliers de cette instance se trouvent le mouvement Ennahda, le Front du 14 janvier et l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT).
Elle devra "conférer au nouveau gouvernement sa légitimité", a déclaré Khalil Zaouia, membre du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL).
"Actuellement, le gouvernement est faible et sa légitimité est fragile", a ajouté Zaouia, dont le groupe a signé la charte fondatrice du Conseil. "Nous devons mettre en place un conseil de surveillance destiné à contrôler les décrets publiés par le gouvernement, dans la mesure où ils peuvent affecter l'avenir de la démocratie."
Le gouvernement provisoire a été accusé de tenter de saper la révolution en nommant des responsables appartenant à l'ancien Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) à des postes clés, en retardant la réforme constitutionnelle, en refusant de démanteler l'appareil sécuritaire de l'Etat, et en n'abolissant pas les lois qui portent atteinte à la liberté.
Dans son discours télévisé du 17 février, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi a maintenu que "parmi les tâches les plus importantes du gouvernement provisoire se trouve l'organisation d'élections libres, transparentes et crédibles conduites sous surveillance internationale".
"Les lois doivent être amendées de manière à se conformer aux nécessités et aux exigences de la mise en place de la démocratie", a-t-il déclaré.
Cette instance de surveillance envisage de soumettre une demande au Président par intérim Foued Mebazaa pour qu'il publie un décret avalisant sa mise en place.
Pour sa part, le ministre du Développement national, Ahmed Najib Chebbi, a fait part le 15 février de son étonnement à voir un conseil refuser de reconnaître le gouvernement actuel comme légitime mais demandant dans le même temps au Président d'avaliser son existence.
"Qui a accordé à ce conseil la légitimité de s'auto-désigner gardien de la révolution ?", s'est-il interrogé.
"Légitimer ce conseil par le truchement d'un décret présidentiel ne fera que créer une dualité d'autorité qui sera susceptible de déboucher sur une crise politique qui pourra empêcher la transition démocratique", a déclaré quant à lui le ministre de l'Enseignement supérieur et secrétaire-général du mouvement Ettajdid, Ahmed Brahim.
Sur la base de ses statuts, cette institution vise à disposer de pouvoirs de décision, de la capacité à formuler et d'approuver la législation relative au gouvernement provisoire, d'annuler des lois contraires aux libertés et de suivre les performances du gouvernement provisoire. Elle pourra également choisir les responsables à des postes de haut rang et revoir les pouvoirs et la composition des comités mis en place. Toutes les propositions des comités seront automatiquement transmises au conseil pour accord.
Cette initiative a suscité de fortes réactions au sein des responsables politiques et des citoyens ordinaires.
- "Les pouvoirs accordés à ce conseil en font un outil de monopole de l'autorité, de manière à soumettre le gouvernement provisoire, l'ensemble des conseils et des comités à la volonté d'un seul groupe" , a dit Brahim.
- Le Parti démocratique progressiste a également rejeté cette idée, expliquant que cette institution "s'est arrogée le pouvoir de surveiller les performances du gouvernement, sans aucune autorisation de la part du peuple".
- Le même sentiment est partagé par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), qui a réaffirmé mercredi qu'il "ne participera pas à une coalition de nature politique, quel que soit son nom".
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