Alors qu'elle est présentée comme laminée par des années de pression sous Ben Ali, l'opposition tunisienne s'organise désormais. Zoom sur ces personnalités qui peuvent séduire la population, lors des prochaines élections présidentielles, prévues au plus tard dans deux mois.

Moncef Marzouki a créé le Congrès pour la république en 2001.
Reuters/Mohamed Hammi
Responsables politiques non reconnus sous l'ère Ben Ali
Moncef Marzouki, chef du parti du Congrès pour la république: Militant aguerri des droits de l'homme en Tunisie, Moncef Marzouki était jusqu'à présent exilé en France, après avoir été emprisonné et interdit de passeport. Il a débuté son engagement en faveur des droits de l'homme en 1980 en entrant à la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH). Il a également présidé le Conseil national pour les libertés en Tunisie, et le Comité national pour la défense des prisonniers d'opinion. Ce lundi, il a annoncé sur France Info qu'il se portait candidat pour la présidentielle tunisienne de 2011.

Après avoir entretenu de bonnes relations avec l'ancien régime Ben Ali, des tensions entre Rached Ghannouchi et le président déchu sont peu à peu apparues, après la victoire du premier aux législatives de 1989.
AFP/Odd ANDERSEN
Rached Ghannouchi, chef exilé du parti islamiste Ennahda: Réfugié à Londres depuis les années 90, après une condamnation par contumace, Rached Ghannouchi (aucun lien de parenté avec Mohamed Ghannouchi, actuel Premier ministre tunisien, reconduit dans ses fonctions ce lundi), a annoncé devant plusieurs organes de presse qu'il préparait son retour en Tunisie et qu'il est disposé à la formation d'un gouvernement d'union nationale. Mais, "pour l'instant, il n'y a pas de contact" entre lui et la nouvelle formation au pouvoir, a-t-il déclaré au journal Libération. Condamné à la peine de mort sous Bourguiba, puis gracié - pour une courte durée - par Ben Ali, il considère comme caduc le refus de l'ancien président de légaliser son parti "Renaissance". Selon Le Figaro, une partie de l'opposition illégale s'est alliée aux islamistes modérés de l'Ennahda sur la base d'un "code de bonne conduite". Il a notamment accepté le statut de la femme et l'avortement, et compare son parti à celui d'Erdogan, l'AKP, en Turquie. Ce mardi, il a par ailleurs indiqué qu'aucun candidat de l'Ennahda ne serait présenté aux présidentielles, mais que le parti comptait tout de même participer aux législatives. "Il y a eu en Tunisie une révolution du peuple qui a revendiqué des droits sociaux et politiques. On ne veut pas avoir l'air de récupérer ce mouvement. [...] Nous faisons très attention à ce qui se passe depuis le 11 septembre (2001), à la perception de l'islam ou de conflits entre Orient et Occident. On ne veut ni de la violence ni de la peur", a-t-il expliqué.

Hamma Hammami, et sa femme, Radhia Nasraoui.
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Hamma Hammami, leader du PCOT (Parti communiste des ouvriers de Tunisie, extrême-gauche): Arrêté à son domicile le mercredi 12 janvier, puis libéré vendredi dernier, Hamma Hammami fait partie des chefs de parti politique non consultés par Mohamed Ghannouchi en vue de la constitution d'un nouveau gouvernement. Populaire parmi les étudiants, il a déclaré dans un communiqué: "Nous considérons que la démocratie ne peut pas naître des institutions de la dictature qui a gouverné la Tunisie par une main de fer pendant plus de cinquante ans. Dont vingt-trois avec Ben Ali." Réclamant une nouvelle constitution, qui ferait naître un régime davantage parlementaire, il ne souhaite pas pour l'instant se porter candidat aux prochaines élections.

Mokhtar Trifi, avocat de métier.
Reuters/Mohamed Hammi
Mokhtar Trifi, président de la LTDH (Ligue Tunisienne des Droites de l'Homme): Avocat militant, Mokhtar Trifi a été reçu ce dimanche 16 janvier par le Premier Ministre Mohamed Ghannouchi - une première en Tunisie - afin, selon lui, de lui affirmer "sa disposition et sa volonté de contribuer au développement de la vie démocratique et des droits de l'homme, et de collaborer avec toutes les forces vives du pays à cet effet." Jugé indésirable par les autorités sous Ben Ali, il est aujourd'hui sceptique au sujet d'un rassemblement des forces d'opposition: "Pour qu'il puisse y avoir une médiation, il faut que toutes les parties soient d'accord. Le problème, dans ce pays, c'est que le pouvoir [de Ben Ali] a fait le vide."
Responsables de partis reconnus par les autorités tunisiennes

Ahmed Nejib Chebbi a été proche du pouvoir dans les années 80.
Reuters/Mohamed Hammi
Nadjib Chebbi, numéro 2 du PDP (Parti démocratique progressiste): Nommé ministre du Développement régional par le nouveau gouvernement de coalition nationale, il est l'un des premiers opposants à l'ancien président Zine el-Abidine Ben Ali. Co-fondateur du Rassemblement socialiste progressiste, légalisé en 1987 et rebaptisé plus tard PDP, il s'était porté candidat à plusieurs élections présidentielles, avant de renoncer en 2009, face à un scrutin selon lui faussé. Fort de cette crédibilité, il demande aujourd'hui que les élections de 2011 soient "supervisées".

Maya Jribi est biologiste de formation, d'un père originaire de Tataouine, et d'une mère Algérienne.
AFP/FETHI BELAID
Maya Jribi, secrétaire général du PDP: Militant sur tous les fronts (étudiants, droit de l'homme, condition féminine, lutte contre le cancer, etc.), Maya Jribi prend la tête du PDP en 2006, et devient ainsi la première femme tunisienne à diriger un parti politique, et la deuxième au Maghreb, après l'Algérienne Louisa Hanoune. Alors que les troubles déstabilisent le pays, le PDP a été attaqué pour son manque de fermeté. Les dirigeants du parti n'avait en effet pas réclamé le départ de Ben Ali, contrairement aux attentes de la population, mais seulement la dissolution du gouvernement sortant et la tenue d'élections législatives anticipées.

Mustapha Ben Jaafar, est un ancien militant du Néo-Destour.
AFP/FETHI BELAID
Mustapha Ben Jaafar, chef du FDLT (Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés): Fondateur de ce parti légalisé en 2002, Moustafa Ben Jaafar a d'abord était l'un des créateurs du MDS (Mouvement des démocrates socialistes) en 1978. Candidat à la présidentielle en 2009, il avait créé avec d'autres partis en juillet 2010, "une alliance pour la citoyenneté et l'égalité", préparant ainsi le renouvellement politique et démocratique du pays. Il intègre ce lundi le nouveau gouvernement tunisien, en tant que ministre de la Santé.

Ahmed Brahim a déjà été candidat en 2009.
AFP/FETHI BELAID
Ahmed Brahim, secrétaire général du parti Ettajdid: Nommé au Ministère de l'Enseignement supérieur, Ahmed Ibrahim fut candidat en 2009 sous la bannière INDP, formation qui regroupe, outre le mouvement Ettajdid et des militants indépendants, le Parti socialiste de gauche et le Parti du travail patriotique et progressiste. Il milite aujourd'hui pour la libération des prisonniers de l'ancien régime de Ben Ali, notamment ceux condamnés à suite de troubles sociaux qui ont eu lieu en 2008 dans la région minière de Gafsa.

Homme politique tunisien, Ismaïl Boulahya prend la tête du MDS en 1997.
AFP/FETHI BELAID
Ismaïl Boulahya, président du Mouvement des démocrates socialistes: Faisant partie de l'opposition, reconnue par le pouvoir de Ben Ali, Ismaïl Boulahya suscite la controverse. En 2009, il a soutenu la candidature de l'ancien président déchu, déclarant qu'il était "le plus habilité à faire avancer davantage le processus de réformes et de développement, pour que la Tunisie puisse rejoindre le concert des pays avancés." Le mouvement a d'ailleurs traversé plusieurs périodes de crise interne, notamment lors du boycott du parti par Mohamed Moada, ancien chef historique.

Ancien journaliste, Mohamed Bouchiha adhère au PUP en 1981.
Reuters/Mohamed Hammi
Mohamed Bouchiha, chef du Parti de l'Unité Populaire (PUP): Candidat en 2004 et 2009, Mohamed Bouchiba se réclame de l'opposition. Néanmoins, il a déclaré en 2009 considérer le gouvernement comme un partenaire avec lequel il peut collaborer, pour rectifier les anomalies liées à sa gestion. Affilié à la famille Trabelsi par un de ses cousins, il a par ailleurs déclaré cette même année que "les réformes [du régime Ben Ali] ont satisfait dans un sens nos revendications. Mais nous restons lucides et demandons davantage, ce n'est pas assez."
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